Lors du soixantième anniversaire du Garage des Laurentides (le garage Cotte), Frédéric Cotte, alors propriétaire de l’édifice construit par son père, composa un texte qui résume les activités du Garage des Lauerentides. Le voici en version intégrale.
F.C.M. COTTE Inc.
De père en fils depuis soixante ans
Les débuts (1920-1925)
Louis Cotte, émigrant français établi sur une ferme en Alberta, reçoit une invitation du père Dom Jean-Baptiste Morlat, curé à l’Annonciation. Celui-ci, un ami de la famille Cotte en France, réussit à convaincre Louis de venir construire et opérer un moulin à farine dans les Laurentides. Il vend donc sa ferme et tous ses biens pour venir à l’Annonciation au Québec avec sa famille. Un seul coup d’œil à ses grandes forêts impropres à la culture du blé lui suffit pour comprendre qu’il n’y a pas d’avenir dans la farine à l’Annonciation. Un certain Monsieur Labelle possède un petit garage de planches, le 1er de la région. On y vend d’ailleurs plus d’alcool ( qu’on cachait sous le plancher) qu’on y répare de voitures. Louis qui a toujours été attiré par la mécanique décide de l’acheter.
Ne laissant rien au hasard, il décide de s’inscrire à l’École Technique de Trois-Rivières pour y apprendre la mécanique. Il y restera un ans avec femme et enfants. Il travaille le jour au garage Légaré et fréquente les cours de mécanique automobile le soir. Élève doué il termine avec la note de 100 % et la médaille de bronze de l’École Technique de Trois-Rivières pour l’année 1921.
En 1922, il ouvre le petit garage de planches. Les 4 premier mois d’opérations sont encourageants pour l’époque, car ils totalisent 1 262,41 de chiffres d’affaires (vente et main d’oeuvre). Il dut cependant s’adapter aux besoins des gens de la région. En plus de la mécanique automobile, Louis devra réparer les moulins à scie des environs ainsi que les machines aratoires des cultivateurs. Voici les tarifs en vigueur en 1922:
- un gallon d’essence 0,45 $
- une pinte d’huile 0,35 $
- réparer une crevaison 0,75 $
- une livre de graisse 0,35 $
- une courroie de ventilateur 0,50 $
- un pneu grandeur 30 “ X 3 ½ “ 10,00 $
- une chambre à air de 30 “ X 3 ½ “ 2,50 $
- main-d’oeuvre à l’heure 0,75 $
En 1925 Louis Cotte prend une grande décision, il va construire un garage moderne. La méthode employée pour construire cet édifice va faire époque dans les annales de l’Annonciation. En effet Louis fait venir les blocs de ciment de Saint-Jérôme. Des blocs qui furent fait un à un dans des moules individuels. Fait nouveau à l’époque, l’entreprise Laflamme de Saint-Jérôme fournit également une devanture coulée et moulée à l’avance sur laquelle est inscrite « Garage des Laurentides ». Tous ces matériaux arrivent par le train, accompagnés d’un contremaître de Saint-Jérôme. Ce dernier reçoit 10 $ par jour, une somme impressionnante à l’époque. Au village on s’étonne: si grand et si moderne pour les quelques automobiles de l’Annonciation? Plusieurs ne se gênent pas pour murmurer: « le français est fou ». Il fallait avoir confiance en l’avenir pour construire un garage de 2500$ en 1925 au fond des Laurentides. l’avenir donnera raison à Louis.
Le Garage des Laurentides (1925-1945) :
Louis Cotte, mécanicien diplômé, se trouve donc à la tête d’un grand garage des mieux équipé. Expert en mécanique et en soudure, il pratique la mécanique au sens large. Les automobiles et les camions ne sont qu’une partie du travail. Louis dépanne fréquemment les scieries, allant même jusqu’à rebâtir les dents d’engrenage brisées; il répare des magnétos, des batteries, etc. On ne fait pas que poser des pièces neuves, bien souvent il faut les usiner sur place. Le garage fermé l’hiver puisque les voitures ne roulent plus. Il arrive cependant dans les années trente qu’il faille travailler au froid pour réparer les moteurs qu’on apporte sur des traîneaux des chantiers voisins.
Sa réputation s’étendit rapidement au-delà de la région immédiate. Son honnêteté foncière, sa maîtrise de la mécanique automobile et plus particulièrement de l’électricité, ses qualités de soudeur lui valurent très tôt d’être qualifié de « Très bon mécanicien » et on ajoutait presque invariablement « mais un peu chèrant ».
Le Garage des Laurentides sera le siège d’activités très diverses. On y vendra des automobiles de marque « Star », « Durant », « Chevrolet », « Buick » et surtout les prestigieuses « Packard ». Les gens aisés, les commerçants et les cultivateurs fortunés désirant profiter des avantages de l’électricité: Louis Cotte se lança dans l’installation et l’entretien de générateurs Delco. Il sera le premier à le faire dans les environs. En 1932, après un échec qui l’humilia un peu, Louis mettra au point la première auto-neige de la région. Cette dernière utilisait un moteur et divers composants d’un Ford T. Ses premières sorties furent des événements pour les villageois. Plus tard, ses fils pour ne pas être en reste fabriquèrent un aéroglisseur d’hiver. Le bruit infernal qu’il faisait effrayer les chevaux et lassait les gens. Louis a toujours été heureux de voir ses fils bricoler à même les outils et les pièces du garage. À la fin de son cours commercial en 1932, Pierre, l’aîné des fils de Louis Cotte, vint travailler au garage paternel. Il faut dire que la crise économique ne lui laissait pas d’autres alternatives. Son frère cadet, Frédéric, vint le rejoindre l’année suivante. Les deux frères y apprirent la mécanique sous la conduite avisée du paternel. À la morte-saison d’hiver, ils suivaient des cours de mécanique automobile à l’École Technique de Montréal. Ils assistaient aussi fréquemment à des stages de spécialisation de quelques jours. Puis vint la seconde guerre mondiale. Pierre s’engagea comme mécanicien d’entretien dans l’aviation. Frédéric, refusé au service militaire, continua de travailler au Garage des Laurentides. La santé de Louis se détériorant rapidement, Frédéric dut apprendre à s’occuper de plus en plus de la gestion du garage. À la fin de la guerre, Louis Cotte que le travail ardu de plusieurs années, l’humidité du garage, l’arthrite avait usé prématurément pris la décision de vendre son commerce. Il eut plusieurs offres d’achat. finalement il préféra vendre à ses deux fils aînés, Pierre et Frédéric.
Cotte et Frères Enrg. (1945 à 1976):
En 1945, Pierre et Frédéric achètent le garage de leur père. Ils forment une société du nom du Cotte & Frères Enrg. pour l’exploiter. Comme bien des jeunes, ils voulurent faire trop et trop vite. ils modernisèrent l’équipement, firent allonger les heures d’ouverture pour passer à 18 h par jour, engagèrent de nombreux employés, etc. Tant et si bien qu’à la fin de l’année, c’est leur père, Louis, qui dut le dépanner au plan financier. Il leur fit cette remarque: « ce n’est pas le chiffre d’affaires qui compte mes garçons, c’est le profit net ». Pierre et Frédéric ayant vu les effets nocifs sur la santé de leur père du métier de mécanicien voulurent en sortir le plus tôt possible en diversifiant leur commerce. Ils ont hésité entre une franchise pour la vente d’automobiles Chrysler et une succursale d’ U.A.P. spécialisée dans la vente de pièces de rechange pour automobiles. Monsieur Charles Préfontaine, fondateur et propriétaire de la chaîne U.A.P., fut le plus convaincant. Ils ouvrirent en 1947, l’année même du décès de leur père Louis (emporté par une crise d’angine), la première succursale d’U.A.P. l’Annonciation.
Les deux frères se partagent des responsabilités. Pierre s’occupe activement d’U.A.P. tandis que Frédéric fait fonctionner le garage. En 1951, Pierre croyant pouvoir vivre du seul commerce U.A.P. demande à Frédéric de racheter ses parts dans Cotte & Frères Enrg. Celui-ci accepte mais s’associe aussitôt à sa mère, Marie-Anne, pour consolider la situation financière de Cotte & Frères enrg. Voyant que ce commerce (U.A.P.) ne lui rapportait pas un bon revenu, Pierre accepte une offre d’emploi du siège social d’U.A.P. à Montréal. Il y travailla plusieurs années et y occupa diverses fonctions. Frédéric reprit la succursale d’U.A.P. de l’Annonciation.
Pour améliorer la rentabilité de son commerce, Frédéric y ajoute en 1951 la vente de gaz propane et de gaz à souder (oxy acétylène) ainsi que les accessoires et le matériel à soudure. C’est ainsi que Provincial Gaz enrg. s’ajoute à U.A.P. , et à Cotte & Frères enrg. Frédéric et sa mère, Marie-Anne, opèrent donc trois types de commerce différents: garage, vente de pièces de rechange et vente de gaz propane et à souder.
En 1959, Frédéric rachète la part de sa mère. Elle n’aimait plus tellement les responsabilités que lui amenait cette association. C’est d’ailleurs elle-même qui demande à Frédéric de lui racheter sa participation. Il est désormais seul à la barre.
Un beau matin de 1967, le mécanicien principal de Cotte & Frères Enrg. (employé depuis 21 ans) vient annoncer à Frédéric qu’il venait de s’engager à l’Hôpital des Laurentides. Frédéric n’hésite pas seul instant (des études préalables lui ayant fait douter de la rentabilité de cette façade de son entreprise) et décide, le midi même, de fermer les opérations de mécanique automobile. Quand son ex-mécanicien lui demandera, le même soin de surseoir à sa décision, il répondra qu’il était déjà trop tard. Il continuera cependant à vendre de l’essence jusqu’à la fin de son contrat en 1972.
F.C.M. Cotte Inc. (1976 à …):
La succursale UAP de l’Annonciation subit plusieurs changements de statut au cours de son existence. Au tout début c’était une succursale autonome rattachée directement au siège social. Puis pour une période assez brève, ce fut un satellite de la succursale U.A.P. de Mont-Laurier. Elle redevint succursale autonome pour le demeurer jusqu’en 1976, époque où elle prit le statut de magasin associé à l’organisation U.A.P.
C’est en effet en 1976 qu’un véritable coup de tonnerre éclate dans l’univers commercial de Frédéric Cotte. Alors qu’il approche de ses 60 ans, le siège social d’U.A.P. le somme de devenir propriétaire de la succursale d’U.A.P. à l’Annonciation, c’est-à-dire d’acheter la franchise, l’inventaire et les comptes recevables. En cas de refus, on le prévient qu’il sera vendu à d’autres. Une décision très difficile à prendre car ce n’est pas l’âge idéal pour prendre de tels risques financiers.
C’est donc après en avoir longuement discuté avec Claire, son épouse, que Frédéric décide de former une compagnie qui achètera la succursale U.A.P. . N’ayant pas l’argent liquide nécessaire, il dut emprunter une somme importante de la Banque Nationale et de la Caisse Populaire. Pour mieux souligner l’appui donné par Claire à ce nouveau projet, Frédéric lui offre une très grande partie des actions de la nouvelle compagnie. Enfin, pour s’assurer une possible relève il offre quelques actions à son fils Marcel. C’est ainsi qu’est né F.C.M. Cotte Inc. Par la suite André et Paul, ses deux autres fils, se joignirent tour à tour à F.C.M. Cotte Inc.
En 1978, pour se consacrer davantage aux opérations de F.C.M. Cotte Inc., Frédéric ferme Provincial Gaz Enrg. qu’il continuait à opérer en marge de son commerce principal. Cette fermeture fut l’occasion de réorganiser entièrement la structure des tâches au sein de l’entreprise. Ce qui permit, entre autres, d’engager un vendeur plein temps sur la route. Dorénavant, aidé de son épouse et des conseils de ses trois fils, Frédéric Cotte n’opère plus qu’un seul commerce (vente en gros et au détail de pièces et accessoires d’automobiles) sous la raison sociale de F.C.M. Cotte Inc.
Soixante ans déjà! :
Ça fait déjà 60 ans que Louis Cotte a ouvert son premier garage à l’Annonciation. Plus de soixante-quinze (75) employés s’y succédèrent de 1922 à 1982. Les deux premières furent Émile Contant et Philippe Legault. Sylva Therrien y travailla 21 ans comme mécanicien. Plusieurs militaires de la base Bomarc à La Macaza y travaillèrent à temps partiel en qualité de vendeur sur la route. N’oublions pas les nombreuses secrétaires qui se succédèrent depuis 1947. Claire Cotte est la dernière en liste et elle seconde admirablement bien son époux. Frédéric a d’ailleurs l’habitude de dire que c’est « sa meilleure ».
Deux générations de « fils du patron » y travaillèrent pour des périodes plus ou moins longues. En plus de Pierre et Frédéric, Louis et Jean vinrent à l’occasion y travailler. Tous les garçons de Frédéric en firent leur « job » d’été et de fin de semaine. Marcel s’est surtout occupé de la livraison du gaz propane du gaz à souder. André fit ses premières armes de vendeur au comptoir et sur la route. Paul y fit un peu de tout. Frédéric avait (et garde toujours) l’habitude de dire la vache à lait en parlant de son commerce. C’est ainsi que quand un de ses fils se plaignait de manquer d’argent, il lui répondait invariablement « la vache à lait est en bas, tu n’as qu’à aller y travailler ».
Espérons en terminant ce bref survol que F.C.M. Cotte Inc. continuera pendant longtemps de servir à la fois sa clientèle de la région et de permettre à un ou plusieurs membres de la descendance de Louis Cotte d’y trouver leur gagne-pain.
Ce texte de Frédérci Cotte a été composé pour le soixantième annivesaire du Garage des Laurentides. Il s’arrête donc en 1982. F.C.M. Cotte inc fut vendu l’année suivante à Jean Cotte, le jeune frère de Frédéric.
Le bâtiment qui abrita le garage et les commerces de Frédéric est encore debout à l’Annonciation, il abrite maitenant des bureaux gouvernementaux.
Merci André
Tu m’as déjà parlé du garage Cotte.
J’en sais plus maintenant. Des entrepreneurs qui étaient créatifs.
Je n’ai pas connu le grand-père, j’avais 1 an et demi quand il est décédé. C’était tout un numéro. Il avait eu une terre en Alberta et faisait le cowboy.
Super! Je viens d’apprendre plein de choses concernant la vie de grand-papa, de papa et de ses frères…
Merci pour le partage.
Suzanne