Suite au commentaire de Pierre, j’ai réalisé que ma réponse était trop longue pour un commentaire d’un commentaire. J’ai donc décidé d’en faire un billet sur le même sujet.
Permettez que je m’adresse à Pierre dans ce billet.
Il y a beaucoup de sujets différents dans ton commentaire, Pierre.
1. Les petits pas.
On ne se refait pas, surtout à mon âge 😉 Je crois, non pas aux petits pas, mais au fait qu’on n’obtient pas grand chose des gens (et des enseignants) en les bulldozant. Quand on a braqué quelqu’un, cela prend beaucoup de temps à la ramener. Plus que d’avoir pris son temps pour le convaincre. Ceci dit, il faut avancer et il faut commencer quelque part. À mes yeux, la route vers le libre intégral (Linux et les applications GPL) commence avec le libre … même sous Windows ou Mac. Et si Linux est si difficile à faire adopter par les non-informaticiens c’est qu’il n’est pas encore assez simple à gérer par Monsieur et Madame tout-le-monde. Je crois que Linux est prêt pour le bureau de l’usager ordinaire quand il est pré-installé et géré par des gens compétents. C’est pourquoi, je pense qu’on peut effectivement installer Linux dans les écoles et les entreprises qui (et je fais référence à ton autre point) disposent de techniciens compétents pour en faire l’entretien et le support. À la maison, sans aide extérieure, désolé, mais Linux n’est pas prêt.
2. Des exemples d’un passage du LL sous Windows à Linux
J’aimerais bien te dire que c’est mon cas, ce serait mentir. Certes j’ai une partition Linux sur chacun de mes deux ordis personnels mais j’avoue que je ne me sens pas capable de leur confier tout ce que je fais sur mes ordis. Je pourrais énumérer toutes mes frustrations mais ce serait trop long. J’en ferai peut-être un billet plus tard.
Je présume que si le PDG de Linspire (Lindows) le prétend, lui qui est là pour faire de l’argent, c’est que c’est pensable… En tout cas, Linspire travaille fort dans le sens de rendre Linux aussi simple à installer et à utiliser que Windows.
3. Qu’est-ce qui fait crier les profs? Linux ou le support?
Pour moi c’est la même chose. Le système d’opération c’est une abstraction pour Monsieur et Madame tout-le-monde. En fait, il ou elle ne sait pas que ça existe. Ce qui compte c’est « puis-je réaliser mes tâches sur cette %$&?%&( de machine ». À ce titre, Windows, Mac ou Linux, c’est du pareil au même, quand le support n’y est pas et que tout marche croche, le peuple chiâle et avec raison. Certaines écoles sous Windows ne sont pas fonctionnelles. Et les profs, s’en plaignent ou …. abandonnent les TIC sans faire de bruit. Et des écoles comme cela j’en connais quelques-unes… Je disais plus haut que Linux à l’école j’y crois si le support y est vraiment. Mais malgré cela il faut comprendre que chaque fois qu’on change le logiciel d’un prof en plus de son OS, on lui demande un réapprentissage. Et ça, il n’aime pas, débordé comme il est. Voilà pourquoi, je me suis impliqué dans Colibris. Pour que le prof, apprivoise OpenOffice, Mozilla, Audacity, etc… avant de le retrouver à l’école sous Linux ou sous Windows. Cela lui fera une frustration de moins.
4. Le bungee et le saut vers le libre.
Ça tombe mal car je suis beaucoup trop peureux pour le bungee 😉 Sérieusement, je suis assez fonceur dans d’autres secteurs que le sport extrême mais je ne crois pas qu’il faille à tout prix que les enseignants brûlent tous les ponts pour accéder au libre. Il ne s’agit pas d’être pour un jour et contre l’autre. Je crois que je suis pour tous les jours. C’est juste que ma conception de pour n’implique pas le passage à Linux obligatoirement et tout de suite. Cela fait trois ans que je fais des efforts pour passer du libre sous Windows (et dans ce monde, je suis un modèle d’utilisation du libre) au libre sous Linux. C’est Linux qui ne fait pas assez d’efforts pour m’y garder, moi, le non-informaticien.
Ouf! Je viens de me relire, je crains d’y avoir été un peu fort. Clément avait raison, ça fait du bien de « bloguer ».
Ne m’en veut pas Pierre, je t’admire beaucoup de t’impliquer autant. C’est juste que nos conceptions diffèrent sur quelques détails. 😉
Je suis toujours heureux de discuter sans contraintes.
Allo André,
comme le billet m’est presqu’adressé au complet (bien que tu auras sûrement d’autres commentaires), voici ma réponse.
L’important:
– n’est pas d’avoir la même vision à propos du libre, mais d’en avoir une ;
-est de partager sa vision avec celle des autres afin de la valider;
-est de «bien vivre» avec sa vision (vision en accord avec ses propores valeurs).
Voilà. Et tu n’as pas à t’excuser de tes propos, je comprends très bien ta position.
Au plaisir d’échanger de nouveau avec toi.
Peut-être faut-il aussi se poser la question : l’humain est-il prêt pour la technologie?
Un exemple très très récent : Sur un portable Toshiba, Window$ décide de le mettre à niveau avec son SP2.
Après plusieurs minutes, redémarrage. Puis, parmi tous les messages, un qui disait quelque chose comme : « Pour des raisons de stabilité, windows a désactivé le pilote de son, veuillez contacter votre fournisseur. »
Panique de l’utilisateur.
Et je l’ai entendu dire « Merde, j’aurais jamais dû laisser Win installer SP2 : maintenant, j’ai plus de son ».
La machine de la personne est restée quelques jours ainsi. Puis le propriétaire, avec un grand soupir, s’est dit qu’il fallait bien qu’il fasse quelque chose. Il m’a demandé, amicalement, de lui donner un coup de main. Je lis le message affiché par Windows
«Ah ! dis-je, problème intéressant.».
«Tu veux rire de moi?»
«Mais non ! C’est juste qu’on va devoir fouiller ensemble pour le résoudre. Et ton ordi s’est exprimé assez clairement. C’est cool, non?»
Regard désespéré.
«Prends la ligne d’erreur et copie-colle-là dans Google. On verra bien. »
Et quinze minutes après, le nouveau pilote fut téléchargé et installé.
Pourtant, cette personne vit avec sa machine ! C’est un utilisateur confirmé. Mais là, c’était trop «compliqué».
Que ce soit Win, Linux ou Mac, les problèmes VONT ARRIVER. C’est toujours aux humains de les résoudre.
Mais heureusement, avec la réforme, nos élèves seront COMPÉTENTS à la résolution de problèmes (à la condition qu’on leur permette d’en résoudre ! Ô joie ! dans quelques années ils aideront leurs vieux parents à résoudre ceux trouvés sur leur machine.
La question est donc : est-ce à la technologie de s’adapter à l’homme (ce qui est généralement le point de vue souhaitable, mais lequel, poussé à un extrême pessimisme, rend l’homme passif, bête et stupide car la techno prend toutes les décisions) ou l’inverse (ce qui à l’extrême optimisme permet à l’homme de s’accaparer de la technologie existente, de s’y adapter, de la mettre à sa main, et de la remodifier/réadapter à son bon plaisir «personnel») ? Sans doute faudra-t-il composer avec un (heureux?) mélange des deux. Mais, fondamentalement, je pense qu’un ordinateur n’est pas un objet technologique comme un autre (un téléphone, un four micro-ondes, etc). C’est un objet actif, avec lequel on peut communiquer et auquel on peut quasi lui donner une âme. Il est vrai que cette âme est mathématique, mais c’est quand même une âme… nous avons aussi à nous y adapter.
En me relisant, je me rends compte que je suis peut-être un peu hors propos. Mais il me semble que Linux et le logiciel libre, c’est (re)donner à l’humain son esprit de créativité. Je ne veux pas d’un ordi ustensile. Je veux un ordi-ami. Je pense qu’un ordi peut arriver à façonner notre pensée. Je veux garder le contrôle de modifier ce qui me modifie : là est l’essence du libre en informatique.
PS. Cette idée de homme->tech ou tech->homme est sans doute un peu confuse encore dans ma tête. Comme une idée lancée comme ça, à haute voix. Je la laisse ici mais soyez compréhensif car je suis toujours « en recherche » et c’est simplement une construction éphémère.
Pour Pierre,
Merci de prendre plaisir à échanger sur nos différences de vision 😉 J’apprécie.
Pour Gilles
Un beau texte qui mériterait d’être un billet plutôt qu’un commentaire. Si j’étais moins pris, je ferais comme j’ai fait avec le commentaire de Pierre, une longue réponse en forme de billet.
D’accord avec les problèmes qui vont finir par arriver mais je te jure que dans mon cas, les problèmes arrivent beaucoup moins souvent sur mes partitions Windows et que d’habitude je les solutionne plus rapidement et plus facilement.
Mais c’est secondaire. C’est ton expression « ordi ustensile » qui vient me chercher. Je dis depuis des années que l’ordi n’est qu’un outil et que c’est ce qu’on en fait qu’il faut regarder. Or, un outil quand on le maîtrise, on est censé l’oublier pour travailler… Je veux passer du temps à mon ordi pour accomplir des choses pas pour le régler constamment et le déboguer.
Le texte s’allonge… j’essaie une conclusion provisoire. Actuellement, sous Linux, je ne suis pas aussi productif que sous Windows ou Mac. Mais dans tous les cas mes logiciels sont légaux à 100 % et libre la plupart du temps. Voilà où j’en suis rendu…
Sans rancune